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Dans son rêve, Peter Jairus Frigate avançait péniblement à travers la brume. Il était entièrement nu. Quelqu’un lui avait volé ses vêtements. Il lui fallait vite rentrer à la maison avant que le soleil, en chassant le brouillard, ne l’expose à la dérision du monde.
L’herbe était rêche et mouillée. Lorsqu’il fut fatigué de marcher sur le bas-côté, il continua sur l’asphalte de la chaussée. De temps à autre, il y avait une trouée dans la brume et il apercevait des arbres à sa droite.
Il savait qu’il marchait en pleine campagne, très loin de chez lui. Mais en se dépêchant, il pourrait peut-être arriver avant l’aube. Il faudrait alors trouver le moyen d’entrer dans la maison sans réveiller ses parents. Les portes et les fenêtres seraient toutes fermées. Il jetterait quelques cailloux contre les carreaux du premier étage, là où dormait son frère, Roosevelt, en espérant qu’il voudrait bien se réveiller.
Son frère, qui n’avait que dix-huit ans, était déjà gros buveur, coureur de jupons, et passait ses loisirs à parader sur sa moto en compagnie de ses copains douteux, aux favoris épais et blousons de cuir, qui travaillaient chez Hiram Walker à la distillerie. Comme c’était dimanche matin, il y avait des chances pour qu’il soit en train de ronfler, emplissant la petite chambre mansardée qu’il partageait avec Peter de vapeurs de whisky puantes.
Roosevelt, naturellement, avait été prénommé ainsi en l’honneur de Théodore et non de Franklin Delano, que son père détestait. James Frigate exécrait « l’homme de la Maison Blanche » et adorait, par contre, le Chicago Tribune, qui était livré chaque dimanche sur le seuil de sa porte. Son fils aîné en abominait les éditoriaux et le ton d’une manière générale. Il n’appréciait que les « comics ». Depuis qu’il savait lire, il attendait le dimanche matin avec impatience pour pouvoir savourer, juste après le bol de chocolat, les crêpes, le bacon et les œufs, les aventures de Chester Gump et de ses copains à la recherche de la cité de l’or ; Moon Mullins ; Little Orphan Annie avec son gros Daddy Warbucks et les autres, le magicien Punjab et le sinistre The Asp, et aussi Mr. Am, qui ressemblait au père Noël, était aussi vieux que la Terre et pouvait voyager dans le temps. Il y avait encore Barney Google, Smilin’ Jack, Terry et les Pirates. Que de merveilles !
Mais qu’avait-il donc à penser, tout nu, en pleine campagne dans la nuit déserte, à tous ces fameux personnages de bandes dessinées ? Il n’était pas très difficile de le deviner. Ils lui procuraient un sentiment de chaleur et de sécurité, de bonheur même, pourquoi pas, au même titre que les crêpes que faisait sa mère, la radio qui jouait de la musique en sourdine, son père assis dans le grand fauteuil en train de lire le « point de vue du Colonel Blimp ». Peter se vautrait, pendant ce temps, sur la moquette du living, les journaux étalés autour de lui, ouverts à la page des « comics ». Sa mère s’affairait à la cuisine. Elle donnait à manger à ses deux petits frères et au bébé, Jeannette, qu’il aimait tellement et qui connaîtrait dans sa vie trois maris, d’innombrables amants et des milliers de bouteilles de bourbon, la malédiction des Frigate.
Tout cela, cependant, c’était dans le lointain, comme une vision qui s’estompe, absorbée par la brume. Il dormait maintenant dans la grande chambre sur la façade, et il était heureux… non, cela aussi s’estompait… il était devant la maison, dans la cour, nu et frissonnant de froid et de terreur à l’idée d’être surpris sans ses vêtements, incapable, qui plus est, d’expliquer leur disparition. Il lançait des cailloux contre la fenêtre, en espérant que le bruit ne réveillerait pas ses petits frères et le bébé qui dormaient dans la petite chambre juste au-dessous à gauche de la pièce mansardée.
La maison, jadis, avait servi d’école rurale à classe unique, à quelque distance de la petite ville de Peoria, au cœur de l’Illinois. Mais Peoria s’était développée, des habitations avaient été construites de tous les côtés et aujourd’hui les limites de la ville se trouvaient à près d’un kilomètre au nord. L’école avait été dotée d’une installation de plomberie et d’un étage supplémentaire. C’était la première maison où vivait Peter qui possédât des cabinets à l’intérieur. Et tout d’un coup, cette maison devint la ferme près de Mexico, dans le Missouri, où ils avaient habité, sa mère, son père, son frère cadet et lui, quand il avait quatre ans. Le fermier leur avait loué deux pièces.
Son père, électricien et technicien dans les travaux publics (une année à l’Institut Polytechnique de Terre Haute, dans l’Indiana, et un diplôme de l’Ecole Internationale par Correspondance) avait travaillé un an à la centrale électrique de Mexico. C’était là que Peter avait été horrifié, un jour, de voir un coq engloutir une souris capturée la veille dans sa chambre à l’aide d’une souricière, et jetée ensuite dans la cour de la ferme. Mais ce qui l’avait scandalisé le plus, c’était de s’apercevoir que, si les poulets mangeaient des animaux, lui mangeait les poulets ensuite. Il avait compris, ce jour-là, que le cannibalisme était à la base du monde.
Pourtant, ce n’est pas tout à fait vrai, se disait-il. Un cannibale est une créature qui dévore d’autres créatures de sa propre espèce. Il se tourna et retomba dans un demi-sommeil, vaguement conscient de s’être plus ou moins réveillé au milieu d’un rêve avant de passer au suivant. Ou peut-être refaisait-il chaque fois le songe précédent. Cela lui arrivait souvent, en une nuit, de revoir plusieurs fois le même rêve. Parfois, il gardait les mêmes séquences durant des années.
Sa spécialité était le feuilleton, dans la littérature comme en rêve. Il lui était arrivé, à une époque, d’avoir en train vingt et une histoires différentes. Il en avait achevé dix. Les autres attendaient toujours, suspense ultime, lorsque le grand éditeur qui se trouve aux cieux avait arbitrairement décidé de les annuler.
Dans la mort comme dans la vie… il n’avait jamais – Pourquoi exagérer ? Disons presque jamais – été capable de vraiment finir ce qu’il avait entrepris. On aurait pu l’appeler : le grand inachevé. Il s’en était rendu compte pour la première fois un jour où, adolescent troublé, il s’était épanché de ses tourments angoissés devant un de ses professeurs, qui lui enseignait la psychologie en première année de fac.
Comment s’appelait-il, déjà… O’Brien ? C’était un jeune type, sec et nerveux, aux manières brusques et à la chevelure rousse toujours en mouvement. Il ne l’avait jamais vu sans un nœud de cravate.
De nouveau, Peter Jairus Frigate marchait dans le brouillard au bord de la route. Il n’y avait aucun bruit à part le hululement lointain d’un hibou. Mais soudain, le grondement d’un moteur se fit entendre et deux lumières trouèrent la brume de leur halo faible. Puis le halo devint plus lumineux et le bruit se fit déchirant. Peter poussa un cri d’angoisse et plongea vers le bas-côté, mais il flottait, flottait dans la brume tandis que la masse noire de l’automobile se rapprochait lentement de lui. Brassant l’air de ses mains, il tourna la tête vers le véhicule et s’aperçut, malgré l’éclat des phares, qu’il s’agissait d’une Duesenberg, semblable au roadster long et racé conduit par Cary Grant dans le film qu’il avait vu la semaine dernière, Topper[4]. Il y avait au volant une masse informe dont la seule partie visible était les yeux. C’étaient les yeux bleu pâle de sa grand-mère maternelle d’origine allemande, Wilhelmina Kaiser.
Il poussa un nouveau cri, car la voiture avait quitté la route et se dirigeait droit sur lui pour l’écraser. Il n’y avait aucun moyen de lui échapper.
Il se réveilla en gémissant lourdement. Eve se retourna dans son sommeil en lui demandant : « Tu as fait un mauvais… ? » puis elle se mit la tête sous l’oreiller et sa respiration redevint régulière.
Peter se leva du lit. Le cadre était en bambou et le sommier de corde soutenait un matelas fait de carrés de tissus assemblés par des fermetures magnétiques et bourré de feuilles traitées. Le sol en terre battue était recouvert de paillasses en fibres de bambou. Aux fenêtres, une sorte de mica, tiré de la membrane intestinale du poisson-licorne, constituait les carreaux. A travers des rectangles semi-transparents, la lumière des constellations nocturnes pénétrait dans la pièce en un halo diffus.
Il se dirigea, titubant, vers la porte, l’ouvrit, fit quelques pas au-dehors et soulagea sa vessie contre un arbre. La pluie gouttait encore de la toiture de chaume. Par une trouée dans les collines, il aperçut un feu qui brillait sous l’arche d’une tour de guet au bord du Fleuve. Les flammes dessinaient la silhouette d’une sentinelle penchée sur le parapet. On voyait aussi la mâture d’un bateau qui n’était pas là auparavant. L’autre sentinelle n’était pas dans la tour. Elle était sans doute à bord du navire, pour interroger le capitaine. S’il y avait eu quelque chose d’anormal, les tambours auraient donné l’alarme.
Il retourna se coucher. Son rêve de tout à l’heure le hantait. Les événements n’y étaient pas tout à fait dans l’ordre chronologique, mais quoi d’étonnant pour un rêve ? Tout d’abord, en 1937, son frère Roosevelt n’avait encore que seize ans. La moto, le travail à la distillerie et les blondes oxygénées, c’était deux ans plus tard. La famille, d’ailleurs, ne vivait plus dans cette maison, à l’époque. Elle avait déménagé pour aller s’installer, quelques rues plus bas, dans une maison plus grande et plus moderne.
Il y avait aussi cette masse amorphe et sinistre dans la voiture, cette chose qui le fixait à travers les yeux de sa grand-mère Kaiser. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Ce n’était pas la première fois qu’il avait peur d’une créature encapuchonnée dont on n’apercevait que les yeux d’un bleu très pâle, presque décoloré. Mais pourquoi sa grand-mère aurait-elle pris dans son rêve un aspect aussi inquiétant ?
Tout ce qu’il savait, c’était qu’elle était arrivée de Galena, dans le Kansas, pour aider sa mère à s’occuper de lui juste après sa naissance à Terre Haute. Sa mère lui avait dit qu’elle l’avait gardé aussi quelque temps quand il avait cinq ans, mais il ne conservait aucun souvenir de cette période. Il se souvenait, par contre, d’une de ses visites, quand il avait douze ans. Mais il était persuadé qu’elle avait dû lui faire quelque chose d’horrible quand il était bébé. Ou, tout au moins, quelque chose qui lui avait semblé monstrueux.
C’était, dans son souvenir conscient, une vieille dame très douce, mais qui s’emportait facilement et n’exerçait aucune autorité réelle sur les enfants de sa fille lorsqu’elle les lui confiait.
Où pouvait-elle se trouver maintenant ? Elle était morte vers l’âge de soixante-dix-sept ans, au terme d’une longue et douloureuse lutte avec un cancer de l’estomac. Il avait vu des photos d’elle quand elle avait vingt ans. C’était une petite blonde aux yeux bleus très vifs, et non délavés et veinés de rouge comme dans son souvenir. La bouche était fine et sévère, mais tous les adultes de la famille avaient les mêmes lèvres pincées. Ces vieilles photos marron montraient généralement des visages qui avaient eu la vie dure, mais ne se laissaient pas abattre. C’étaient des puritains au nez droit et au maintien raide. Toute la famille allemande du côté de sa grand-mère était bâtie sur le même moule. Persécutés par leurs voisins luthériens et par les autorités pour s’être convertis à l’Eglise baptiste, ils avaient quitté Oberellen, en Thuringe, pour la terre des promesses. Mais du côté de son père, c’était encore pis. Ces gens-là avaient la manie d’opter pour les religions minoritaires, de préférence un peu farfelues. Ils devaient aimer les ennuis.
Après avoir erré de ville en ville durant des années, sans avoir jamais découvert la moindre rue pavée d’or, après avoir travaillé comme des forcenés, connu la misère la plus noire et perdu de nombreux enfants, au bout de trois générations, les Kaiser avaient finalement percé. Ils étaient devenus des fermiers prospères et des industriels à Kansas City et dans les environs.
Cela en valait-il la peine ? A en croire les survivants, oui.
A son arrivée en Amérique, Wilhelmina Kaiser était une jolie petite fille de dix ans avec des nattes blondes et des yeux bleus. A dix-huit ans, elle avait épousé un homme qui en avait vingt de plus. Sans doute parce qu’elle ne voulait pas vivre pauvre. Son mari, Bill Griffiths, originaire de Kansas City, avait, disait-on, du sang cherokee dans les veines, et avait fait partie des guérilleros de Quantrill. Mais on parlait beaucoup à tort et à travers dans la famille de Peter, des deux côtés. On essayait toujours de se faire passer pour meilleur, ou pire, que ce qu’on était. Cependant, quel que fût le passé du vieux Bill, la mère de Peter avait toujours refusé d’en parler. Ce n’était peut-être, après tout, qu’un vulgaire voleur de chevaux.
Où devait se trouver Wilhelmina à présent ? Elle ne ressemblait certainement pas à la petite vieille ratatinée qu’il avait connue. Ce devait être une belle fille, bien en chair, aux yeux bleus perdus dans le lointain, qui parlait anglais avec un fort accent germanique. S’il la rencontrait par hasard, la reconnaîtrait-il ? Vraisemblablement pas. Et même s’il la reconnaissait, que pourrait-elle lui apprendre sur le traumatisme qu’elle lui avait infligé quand il était bébé ? Vraisemblablement rien. Pour elle, il ne pouvait s’agir que d’un incident mineur. Ou, dans le cas contraire, d’une chose inavouable. Si tant est que la chose eût jamais existé en dehors du cerveau tourmenté de Peter.
A l’occasion d’une brève séance de psychanalyse, il avait essayé un jour de remonter, à travers les couches opaques de ses souvenirs refoulés, jusqu’au drame primordial où sa grand-mère avait joué un si grand rôle. Mais cela avait été peine perdue. De même que pour les tentatives similaires où il avait mis à contribution la dianétique et la Scientologie. Il glissait sur ses traumatismes comme un singe le long d’un mât graissé, et il régressait tant et si bien que, dépassant l’instant de sa naissance, il se retrouvait dans ses vies antérieures.
Après avoir été une parturiente dans un château médiéval, un dinosaure, un prévertébré dans l’océan postprimal et un voyageur dans une diligence du XVIIe siècle lancée à travers la Forêt-Noire, Peter avait laissé tomber la Scientologie.
Ses fantasmes ne manquaient pas d’intérêt, ils révélaient certains côtés de sa personnalité. Mais sa grand-mère continuait à lui glisser entre les doigts.
Ici, dans le Monde du Fleuve, il avait essayé, pour sonder les abîmes opaques, de mâcher de la gomme à rêver. Sous la haute surveillance d’un gourou de première qualité, il en avait mâché une demi-tablette, ce qui était une forte dose, et avait aussitôt plongé à la recherche de la perle cachée dans les profondeurs de son inconscient. Lorsqu’il s’était réveillé, après avoir été confronté à d’horribles visions, il avait trouvé son gourou ensanglanté, meurtri, sans connaissance au milieu de la cabane. Il n’était pas difficile de deviner qui lui avait fait ça.
Peter avait quitté la région, après s’être assuré que son guide spirituel survivrait à cette expérience sans trop de séquelles fâcheuses. Il ne pouvait, quant à lui, demeurer dans un endroit où il se sentirait honteux et coupable chaque fois qu’il rencontrerait l’infortuné gourou. Ce dernier, à vrai dire, avait bien pris la chose. Il s’était même déclaré disposé à continuer le traitement – à condition que Peter se laisse attacher pendant les séances.
Peter était incapable de faire face à toute cette violence qu’il sentait au fond de lui-même. C’était la peur de sa propre violence qui lui faisait si peur dans la violence des autres.
La faute à tout cela, mon cher Brutus, ne se trouve pas dans les étoiles, mais dans nos satanés gènes. Ou bien dans notre impuissance à nous conquérir nous-mêmes.
La faute à tout cela, mon cher Brutus, se trouve dans la peur que nous avons de nous connaître nous-mêmes.
Inévitablement ou presque, la scène suivante, dans le théâtre de ses souvenirs, était la séduction de Wilhelmina Kaiser. Avec quelle facilité il pouvait passer, ici, du fantasme à la réalité ! Rien n’empêchait qu’une rencontre pareille se produise. Après coup, ils découvriraient, au hasard de la discussion, qu’ils étaient petit-fils et grand-mère. Il lui raconterait longuement l’histoire de la famille après sa mort. Elle serait horrifiée, sans doute, d’apprendre que l’une de ses arrière-petites-filles avait épousé un juif. Dans son milieu rural, en 1880, elle avait nécessairement ce genre de préjugé. De même s’il lui disait que sa sœur avait épousé un Japonais, ou qu’une cousine avait pris pour mari un catholique, ou qu’un de ses arrière-petit-fils s’était converti au bouddhisme.
D’un autre côté, après avoir vécu tant d’années dans le Monde du Fleuve, elle avait peut-être changé totalement d’attitude, comme c’était le cas pour beaucoup de gens. Mais la majorité, malheureusement, avaient l’esprit aussi fossilisé que lorsqu’ils vivaient sur la Terre.
Pour en revenir au fantasme… après avoir bu quelques verres, est-ce qu’ils coucheraient ensemble ?
Rationnellement, il était impossible de les accuser d’inceste. Ils ne pouvaient avoir d’enfants.
Mais depuis quand la raison entrait-elle dans ce genre de considérations ?
Le mieux à faire, s’il s’en était aperçu avant, c’était de ne rien lui dire jusqu’à ce qu’ils aient fait l’amour.
Mais là, tout l’édifice s’écroulait. Une telle révélation lui donnerait un terrible sentiment de culpabilité. Ce serait trop cruel. Même à supposer qu’il veuille se venger, il ne pouvait pas lui faire ça. Ni à elle ni à personne d’autre. Et ce n’était pas vraiment une vengeance qu’il recherchait. Il ne savait même pas si, à la base, un acte avait été commis. Et si c’était le cas, il s’agissait probablement d’une chose à laquelle seul un enfant pouvait attacher de l’importance. Une chose qu’il avait mal interprétée. Ou qu’elle trouvait naturelle, compte tenu des préjugés de son temps.
C’était excitant, de coucher en imagination avec sa grand-mère. Mais en réalité, cela n’avait aucune chance de se produire. Il ne se sentait attiré, sexuellement, que par des femmes vives et intelligentes, et sa grand-mère n’avait été qu’une paysanne ignorante. Vulgaire aussi, mais pas dans un sens obscène ou irréligieux. Il se souvenait d’une occasion où, au cours d’un repas de famille, elle avait éternué bruyamment. La morve était tombée sur son corsage. Elle l’avait essuyée d’un revers de main, puis s’était essuyé la main sur sa jupe. Le père de Peter avait souri, sa mère avait pris un air consterné et lui n’avait plus voulu manger.
Ainsi, le fantasme s’évanouit, d’écœurement.
Mais elle avait peut-être changé.
Au diable ces histoires, se dit-il en se tournant résolument de l’autre côté pour dormir.